Dialogue in DRC: What if we are missing the point?

Dialogue 3

For more than a year now, Congolese political life has been focussed on Dialogue. 2015 was punctuated by the publication in February of the UDPS’s roadmap, by dozens of declarations from politicians, civil society and international partners, the presidential “consultations” launched at the end of May,  the waltz of international envoys to facilitate the holding of this forum, and Joseph Kabila’s Call for Dialogue at the end of November. And since then? Still nothing.

Should we participate or not? What will be discussed? What would be its structure and duration? Who is authorised to convene it? What would be the legal basis for the decisions made? What are the hidden agendas? Should it or should it not open the way for a new period of transition? In short, there are many questions which divide the political class into those who are pro- and anti-Dialogue.

Points in common and differences

All stakeholders agree that the CENI global electoral calendar is unenforceable and that it is necessary to obtain a broad consensus for a new timetable. The registration of several million voters who have become eligible since 2011 seems also to be agreed upon unanimously. Furthermore, all involved concur that the electoral violence of 2006 and 2011 must be avoided in 2016 at all costs.

The big differences are centred around the number of elections to organise as well as their financing, the composition of the CENI, whether or not to have international mediation, and even the necessity to organise a Dialogue when all these issues can be discussed within existing institutions.  As for the enrolment of Congolese citizens living abroad, opinion is constantly changing.

A few months before the deadline

The electoral process is deadlocked.  The opposition, which swears by democratic change of power, has accused the Majority of dragging its heels. It is worried that the Majority is just using Dialogue and other subterfuges to stay in power beyond 2016, whereas the Majority asks other stakeholders not to get fixated on dates, but to discuss a compromise for the electoral process. There is a glaring lack of confidence amongst all players and the demonstrations planned in the next few weeks by each political camp add further tension to the situation.

According to the Constitution, the transfer of power from Joseph Kabila to his successor must take place on 19 December 2016. Just eleven months from the deadline and considering the different prerequisites, I don’t see objectively how the timeline can still be respected. All stakeholders hold some responsibility and every day that passes affirms a little more the much criticised “glissement”.

It’s probably with this in mind that the Opposition leaders seem more and more willing to contemplate the idea of a popular uprising to topple the Kabila regime.  For its part, the Majority has confirmed that it will maintain public order at all costs. The stage is set for a confrontation, even if the Catholic Church and partners have been trying for several weeks to calm the situation by inviting all parties to talk.

I’m convinced that street violence cannot lead to a lasting solution. At the very most it will allow certain players to arrive strengthened at the negotiating table. My belief is that a Dialogue, by whatever name or form it takes, will take place sooner or later.

And what if we are missing the point?

If Dialogue has taken up everyone’s energy for more than a year, it is because it’s the only peaceful means to face the challenges which we see today in the DRC. More than just the organisation of free, fair and transparent elections in a peaceful environment, the issue is to succeed in the first peaceful transfer of power in the country’s history. In other words, organise the smooth departure of Joseph Kabila from the presidency.

Only dealing with electoral matters during the Dialogue would be the equivalent of believing that Joseph Kabila gained his power through the ballot box, and it would be a mistake. As I stated in my last article, Joseph Kabila, like many of his counterparts in the region, got his power by force. Furthermore, his opposition often accuse him of ruling through violence and intimidation. A Dialogue which aims to organise his peaceful departure from power, must therefore also lead to a compromise on the questions of the military and security forces.

There can be no peaceful transfer of power without provisional arrangements concerning the security system. It’s an essential element that the stakeholders, who will sooner or later find themselves around the negotiating table, should add to their agenda.

Dialogue en RDC: Et si on passait à côté de l’essentiel ?

Dialogue 3

Depuis plus d’une année maintenant, la vie politique congolaise est rythmée par le Dialogue. L’année 2015 a été ponctuée par la publication en février de la Feuille de route de l’UDPS, par des dizaines de déclarations des politiques, de la société civile et des partenaires sur le Dialogue, les consultations présidentielles lancées fin mai, la valse des émissaires internationaux pour faciliter la tenue de ce forum, et sa convocation fin novembre par Joseph Kabila.  Et depuis ? Toujours rien.

Faut-il y participer ou pas ? De quoi va-t-on discuter ? Quels seront son format et sa durée ? Qui est habilité à le convoquer ? Quelle base juridique pour les décisions qui vont en sortir ? Quels sont les objectifs inavoués ? Doit-il déboucher ou non sur une nouvelle transition ? Bref, plusieurs questions qui divisent aujourd’hui la classe politique entre pro et anti-Dialogue.

Points de convergence et de divergence

L’ensemble de parties prenantes est d’accord sur l’inapplicabilité du calendrier électoral global de la CENI et la nécessité d’obtenir un large consensus pour un nouveau calendrier. L’enrôlement dans le fichier électoral des « nouveaux majeurs » semble également faire l’unanimité. Selon les déclarations des uns et des autres, il faut à tout prix éviter en 2016 les violences électorales de 2006 et 2011.

Les grandes divergences tournent surtout autour du nombre d’élections à organiser ainsi que leur financement, la composition de la CENI, la nécessité d’avoir ou non une médiation internationale, et l’opportunité même d’organiser un Dialogue alors que des échanges peuvent se tenir au sein des institutions. Quant à l’enrôlement des Congolais de l’étranger, les positions sont fluctuantes.

A quelques mois de la deadline

Le processus électoral est bloqué. L’Opposition, qui ne jure que par l’alternance démocratique, accuse la Majorité de faire trainer les choses. Elle craint que la Majorité ne se serve du Dialogue et autres subterfuges pour se maintenir au pouvoir au-delà de 2016, alors que la Majorité invite les autres parties prenantes à ne pas avoir de « fixisme » sur les dates, mais à discuter d’ un compromis sur le processus électoral. Le déficit de confiance entre les acteurs est criant et les manifestations prévues dans les prochaines semaines par chaque camp politique crispent davantage la situation.

Selon la Constitution, la passation de pouvoir entre Joseph Kabila et son successeur doit se tenir le 19 décembre 2016. À onze mois de l’échéance et en considérant les différents préalables, je ne vois objectivement pas comment les délais peuvent encore être respectés. Toutes les parties prenantes portent une part de responsabilité et chaque jour qui passe consacre un peu plus le « glissement » tant décrié.

C’est probablement parce qu’ils en sont conscients que les  leaders de l’Opposition semble de plus en plus caresser l’idée d’un soulèvement populaire qui emporterait le régime Kabila. La Majorité affirme pour sa part qu’elle maintiendra l’ordre public à tout prix. Le décor pour un affrontement est planté, même si l’Eglise catholique et les partenaires tentent depuis quelques semaines de jouer l’apaisement en invitant toutes les parties à dialoguer.

Je suis convaincu que les affrontements de rue ne peuvent pas conduire à une solution durable. Ils peuvent tout au plus permettre à certains acteurs d’arriver renforcés à la table des négociations. Ma conviction est qu’un Dialogue, peu importe le nom et le format qu’il prendra, aura lieu tôt ou tard.

Et si le Dialogue passait à côté de l’essentiel?

Si le Dialogue absorbe toutes les énergies depuis plus d’une année, c’est parce qu’il est le seul moyen pacifique de relever le défi qui se pose aujourd’hui à la RDC. Plus que l’organisation d’élections crédibles et transparentes dans un climat apaisé, l’enjeu est de réussir  le premier transfert pacifique du pouvoir de l’histoire du pays. En d’autres termes, organiser le départ en douceur de Joseph Kabila de la présidence de la république.

Ne traiter que des questions électorales lors du Dialogue équivaudrait à considérer que Joseph Kabila tire son pouvoir des urnes, et ce serait une erreur. Comme je l’ai soutenu dans mon dernier article, Joseph Kabila, à l’instar de plusieurs de ses homologues de la région, tire son pouvoir de la force des armes. D’ailleurs, son opposition l’accuse souvent de gouverner par la violence et par défi. Un Dialogue qui vise à organiser son départ pacifique du pouvoir, doit donc également traiter et aboutir à un compromis sur les questions militaires et des forces de sécurité.

Il ne peut y’avoir d’alternance pacifique sans dispositions transitoires sur l’appareil sécuritaire. C’est un élément essentiel que les parties prenantes, qui se retrouveront tôt ou tard autour d’une table, devrait rajouter à leur cahier des charges.

Central Africa: the end of the illusion

Pics AC

In central Africa, the geopolitical upheavals of the early 90s have had a profound impact, with civil wars affecting 4 countries in particular, countries which are currently much discussed: Burundi (October 1993 to November 2003), Congo (June to October 1997), DRC (October 1996 to May 1997 and August 1998 to December 2002) and Rwanda (October 1990 to July 1994).

These periods of war were followed by periods of transition, which of course did not all have the same foundations, as they happened after military victories in Congo and Rwanda, whereas power sharing was the outcome in Burundi and the DRC, where there were no clear winners or losers.

Periods of transition

The main aim of these periods of transition was to lead to national reconciliation, democratic elections and the emergence of the rule of law. In the case of Burundi and the DRC the creation of a national republican army, regrouping otherwise hostile forces, became an additional objective. This gamble paid off in Burundi, whereas the reform of the security sector in the DRC failed.

Ultimately, the transition in these four countries allowed a consolidation of the political domination of the persons or groups who, in one way or another, prevailed in the war.

In Congo and Rwanda the victories of Sassou Nguesso and Paul Kagame left no doubt that the victors would impose their laws on the defeated parties and redefine the political game to their advantage. It’s hardly surprising then, that they both won their first post-transition elections: Sassou in 2002 and Kagame in 2003.

In Burundi, the Hutu rebels of the CNDD-FDD and the FNL did not manage to overthrow the Tutsi government by force, but instead they succeeded in definitively changing the political game by allowing the Hutu majority to gain power through majority rule. The CNDD-FDD, the only Hutu rebel party to have taken part in the transition process, benefited greatly, by winning the first elections in 2005.

In the DRC, the first war enabled the Kabila family to gain power and the second did nothing to change that. Joseph Kabila managed to position himself advantageously at the end of the 1+4 transition, winning the 2006 presidential election.

The success of the objectives set during these transitions varied from country to country, but they allowed on the one hand, the adoption by referendum of new constitutions (in 2002 in Congo, 2003 in Rwanda, and 2005 in Burundi and the DRC) limiting the number of presidential terms to two, and on the other hand, a legitimisation of the power of those who gained it either directly or indirectly by force. As Mao Zedong said: “Political power grows out of the barrel of a gun.

The elections and their illusion

The fact that ex war chiefs won the elections does not necessarily mean that they were rigged. Different objective reasons contributed, some of which we will consider below.

In the case of Congo and Rwanda, the control exerted by the authoritarian regimes over the public space left very little room for opposition parties to exist. The monumental scores achieved by these two presidents, whose countries were ravaged by ethnic wars, illustrate this well: Sassou Nguesso was elected with 89.41% of the vote in 2002 and 78.61% in 2009, whilst Paul Kagame got 95% of the vote in 2003 and 93% in 2010.

In Burundi, the CNDD-FDD clearly won the 2005 legislative elections (with almost 60% of the vote) allowing its leader, Pierre Nkurunziza, to be elected President of the Republic by Congress. The power of the CNDD-FDD quickly became authoritarian and lead to a boycott of the 2010 elections by the majority of opposition forces. Pierre Nkurunziza was subsequently elected with over 90% of the vote and his party became a super-majority in parliament.

In the DRC Joseph Kabila, who centred his 2006 campaign on the reunification of a country divided by war, was elected President of the Republic in the second round with a comfortable majority of 58%. The exercise of power in the country became more and more authoritarian, leading to the 2011 changes to the constitution which reduced from two to one the number of rounds in the presidential election. This, of course, favoured the re-election of Joseph Kabila in the chaotic elections of November 2011.

In all four cases, these elections created the illusion that the accession to power was decided at the ballot box, even if the elections weren’t totally transparent. This illusion kept everyone happy, except that they were not about an accession to power but rather maintaining power.

Aside from the electoral irregularities in certain cases, you can see that the people, ground down by war, often preferred to vote for ‘those who brought peace and stability’ or to prevent a defeat which would be synonymous with war. We remember for example, from 2011: “If Kabila loses, it’s war.” We must, however, admit that it is difficult for an incumbent regime to lose an election. Faced with an often impoverished and divided opposition, the ruling party frequently uses State resources (finances, justice, media, administration) to establish itself, unseating its rivals and assuring electoral victory.

The International Community also contented itself with the illusion these elections offered, partly so as not to jeopardise their interests in these countries by getting angry with their “strong men”, but also because they couldn’t see any alternative. They also looked the other way during the constitutional changes in the DRC in 2011 and the rise of authoritarianism in Rwanda for the same reason: “Who else if not Kagame? If not Sassou? If not Kabila?

The end of a cycle

It is between 2015 and 2017 (which means now) that the four presidents will arrive at the end of their final terms in office. The different parties involved (the people, the opposition, the International Community and even some at the heart of the current regimes) have tried to act as if they believe that the presidents will leave power in accordance with the constitutions. The opposite has in fact happened; they have all tried to stay in power through a revision of the constitution or similar procedure.

It has already happened in Congo and Rwanda. The “strong men” have just granted themselves the right to stay in power for several more years through illusion-elections.

In Burundi, Pierre Nkurunziza appears, for the moment, to have succeeded in staying in power thanks to the support of the majority of the security forces. His constitutional revision failed but he nevertheless managed to obtain a third term which has thrown the country into a cycle of violence.

In the DRC, there is no longer any doubt that Joseph Kabila wants to stay in power, although his opposition, civil society and the International Community are all pushing for democratic change. Like his counterparts, it is unlikely that Joseph Kabila, who is in complete control of the State (army, justice etc.) will accept to give up the power that his father obtained by force.

And now?

The events of the last few months in Central Africa have demonstrated that the theory of “two terms and leave” was an illusion, that the civilised transfer of a power which has been obtained by force is not straightforward. It is, therefore, the end of a cycle, the failure of a certain approach to stabilizing post-conflict countries which started at the beginning of the century.

Is the use of force the only way to get rid of those leaders who remain? This option would constitute a return to square one without the slightest guarantee that the new victors would leave power peacefully when the time comes.

Should we, nonetheless, despair at the sight of democratic change in Central Africa? Today all the regimes in power feel obliged to hold elections, even if they are imperfect, to give the appearance of normality. Elections have thus become the norm and we should capitalise on this advance in the future when considering the stability of post-conflict countries. The important thing now, is to ensure that these elections reflect the will of the people.

 

 

 

Pictures : Photo: (From left to right) President of Burundi Pierre Nkurunziza (EPA/BRITTA PEDERSEN) ; President of Congo Denis Sassou-Nguesso (EPA/JULIEN WARNAND); President of Rwanda Paul Kagame (EPA/GEORGI LICOVSKI); President of DRC Joseph Kabila (EPA/MICHAEL KAPPELER).

Afrique Centrale: la fin des illusions

Pics ACEn Afrique centrale, les bouleversements géopolitiques du début de la décennie 90 se sont durement fait ressentir avec des guerres civiles qui ont notamment touché quatre pays dont on parle beaucoup actuellement : Burundi (octobre 1993 à novembre 2003), Congo (de juin à octobre 1997), RDC (octobre 1996 à mai 1997 et août 1998 à décembre 2002) et Rwanda (octobre 1990 à juillet 1994).

Ces périodes de guerre ont été suivies par des périodes de transition qui n’avaient bien entendu pas toutes les mêmes bases, vu qu’elles arrivaient après des victoires militaires au Congo et au Rwanda, alors que le partage du pouvoir a été la recette au Burundi et en RDC, où il n y a eu ni vainqueur ni vaincu.

Les périodes de transition

Les transitions avaient principalement pour but de conduire à la réconciliation nationale, à des élections démocratiques et à l’émergence d’un état de droit. Dans le cas du Burundi et de la RDC, la création d’une armée nationale républicaine, regroupant les forces autrefois belligérantes, représentait un objectif supplémentaire. Le Burundi a réussi ce pari alors que la réforme du secteur de la sécurité en RDC a échoué.

Au bout du compte, les transitions dans ces quatre pays ont surtout permis de consolider la domination politique des personnalités ou groupes ayant, d’une certaine manière, gagné la guerre.

Au Congo et au Rwanda, les  victoires de Sassou Nguesso et Paul Kagame ne laissaient aucun doute sur le fait que les vainqueurs imposeraient leur loi aux vaincus et qu’ils redéfiniraient le jeu politique à leur convenance. C’est donc sans surprise qu’ils ont respectivement remporté leurs premiers septennats post-transition en 2002 pour Sassou et 2003 pour Kagame.

Au Burundi, si les rébellions hutu du CNDD-FDD et du FNL n’ont pas réussi à renverser le pouvoir tutsi par les armes, elles ont cependant réussi à définitivement modifier le jeu politique en permettant à la majorité hutu d’accéder au pouvoir par la loi du nombre. Le CNDD-FDD, seule rébellion hutu à avoir rejoint la transition, a récolté la mise en remportant les premières élections de 2005.

En RDC, la première guerre a permis aux Kabila d’arriver au pouvoir et la deuxième n’a pas réussi à les en éloigner. Joseph Kabila a par la suite réussi à tirer son épingle du jeu à la fin de la transition 1+4, en remportant la présidentielle de 2006.

L’accomplissement des objectifs assignés aux transitions a varié selon les pays, mais ces périodes ont permis d’une part, l’adoption par référendum de nouvelles constitutions (en 2002 au Congo, en 2003 au Rwanda, en 2005 au Burundi et en RDC) limitant à deux le nombre de mandats présidentiels ; et d’autre part, de légitimer le pouvoir de ceux qui y avaient accédé (in-) directement par les armes. Comme disait Mao Tsé-Toung : « le pouvoir est au bout du fusil. »

Les élections et leur illusion

Le fait que les anciens chefs de guerre aient gagné les élections ne signifie pas qu’elles étaient forcément truquées. Différentes raisons objectives, que nous évoquerons ci-dessous, y ont contribué.

Dans le cas du Congo et du Rwanda, la mainmise des régimes autoritaires sur l’espace public n’a laissé que très peu de place aux partis d’opposition pour exister. Les scores staliniens réalisés par les deux présidents, dont les pays ont pourtant été ravagés par des guerres ethniques, l’illustrent bien : Sassou Nguesso a été élu avec 89,41 % en 2002 et 78,61 % en 2009, alors que Paul Kagame a remporté 95% des suffrages exprimés en 2003 et 93% en 2010.

Au Burundi, le CNDD-FDD, devenu parti politique, a nettement remporté les élections législatives de 2005 (presque 60%), ce qui a permis l’élection par le Congrès de son leader Pierre Nkurunziza à la présidence de la république. L’exercice du pouvoir par le CNDD-FDD est devenu très rapidement autoritaire et a conduit au boycott des élections de 2010 par la majorité des forces d’opposition. Pierre Nkurunziza a alors été élu avec plus de 90% et son parti devint ultra-majoritaire au parlement.

En RDC, Joseph Kabila, qui a axé sa campagne de 2006 sur la réunification du pays divisé par la guerre, est élu président de la république au deuxième tour de la présidentielle avec une majorité confortable de 58%. L’exercice du pouvoir dans le pays va devenir de plus en plus autoritaire et va aboutir à la révision constitutionnelle de 2011, ramenant  de deux à un le nombre de tours à l’élection présidentielle, pour favoriser la réélection de Joseph Kabila obtenue lors des élections chaotiques de novembre 2011.

Dans les quatre cas, ces élections ont donné l’illusion que l’accession au pouvoir se faisait dorénavant par les urnes, même lorsque ces élections n’étaient  pas transparentes. Cette illusion a contenté tout le monde, sauf qu’il ne s’agissait pas d’accession mais plutôt de maintien au pouvoir.

Outre les irrégularités électorales dans certains cas, on constate que les peuples, échaudés par la guerre, ont souvent préféré voter pour «ceux qui ont ramené la paix et la stabilité » ou ont évité que leur défaite ne soit synonyme de guerre. On se rappelle par exemple en 2011 de phrases telles que : « Si Kabila perd, c’est la guerre». Il faut cependant admettre qu’en Afrique, il est difficile pour un régime en place de perdre les élections. Face à une opposition démunie et désunie, le parti au pouvoir se sert souvent des moyens de l’Etat (finances, justice, médias, administration) pour s’implanter, supplanter ses rivaux et assurer ses victoires électorales.

La Communauté Internationale s’est également contentée de l’illusion offerte par ces élections, d’une part pour ne pas mettre en péril ses intérêts dans ces pays en se fâchant avec leurs «hommes forts », et d’autre part, parce qu’elle ne voyait pas qui pourraient les remplacer. Elle a ainsi fermé les yeux sur la révision constitutionnelle de 2011 en RDC ou sur l’autoritarisme au Rwanda avec la même question : « Qui d’autre si ce n’est pas Kagame ? Si ce n’est pas Sassou ? Si ce n’est pas Kabila ? … »

La fin d’un cycle

C’est entre 2015 et 2017 (c’est à dire maintenant) que les quatre présidents arrivent au terme de leur dernier mandat. Les différentes parties prenantes (peuple, opposition politique, Communauté Internationale et même certains au sein des régimes au pouvoir) ont fait mine de croire que les présidents quitteraient le pouvoir conformément aux constitutions. C’est le contraire qui est arrivé, ils ont tous tenté de se maintenir au pouvoir par la révision constitutionnelle ou un procédé similaire.

C’est chose faite au Congo et au Rwanda. Les « hommes forts » viennent de s’accorder le droit de rester au pouvoir encore pour plusieurs années via des élections-illusions.

Au Burundi, Pierre Nkurunziza semble, pour le moment, avoir réussi à se maintenir au pouvoir grâce au soutien de la majorité des forces de sécurité. Sa révision constitutionnelle a échoué mais il a tout de même obtenu un troisième mandat qui a entrainé le pays dans un cycle de violence.

En RDC, la volonté de Joseph Kabila de rester au pouvoir ne fait plus aucun doute alors que l’opposition, la société civile et la Communauté Internationale exigent toutes l’alternance démocratique. Comme ses homologues, il est peu probable que Joseph Kabila, le seul à contrôler l’appareil d’État (armée, justice, etc.), n’accepte de céder le pouvoir que son père a obtenu par les armes.

Et maintenant ?  

Les événements des derniers mois en Afrique centrale ont démontré que la théorie du « deux mandats puis on s’en va » était une illusion, que la passation civilisée du pouvoir quand on l’a obtenu par la force ne coulait pas de source. C’est donc la fin d’un cycle, l’échec d’une certaine approche de la stabilisation des pays post-conflits, dont la mise en œuvre a commencé au début des années 2000.

La force des armes est-elle le seul moyen d’obtenir le départ des dirigeants qui se maintiennent ? Cette option constituerait un retour à la case départ, sans la moindre garantie que les nouveaux vainqueurs quitteront pacifiquement le pouvoir quand le moment convenu sera venu.

Faut-il pour autant désespérer de voir des alternances démocratiques en Afrique centrale ? Aujourd’hui, tous les régimes au pouvoir se sentent obligés d’organiser des élections, même si elles sont imparfaites, pour donner une apparence de normalité. Les élections sont donc devenues la norme, c’est une avancée sur laquelle il faudra capitaliser à l’avenir dans la réflexion sur la stabilisation des pays post-conflits. L’enjeu est maintenant de faire en sorte que ces élections reflètent l’expression  du peuple.

 

 

 

Pictures : Photo: (From left to right) President of Burundi Pierre Nkurunziza (EPA/BRITTA PEDERSEN) ; President of Congo Denis Sassou-Nguesso (EPA/JULIEN WARNAND); President of Rwanda Paul Kagame (EPA/GEORGI LICOVSKI); President of DRC Joseph Kabila (EPA/MICHAEL KAPPELER).

Nkurunziza’s candidacy, the first challenge to Obama’s “new Africa”

Bo et PN

As had been expected for several months now, on Saturday 25th April 2015 the National Council for the Defence of Democracy-Forces for the Defence of Democracy (CNDD-FDD) nominated Pierre Nkurunziza, outgoing President of the Republic, as their candidate for the 2015 presidential elections. Candidate Nkurunziza is thus officially campaigning for a third term in office.

This infamous “third term” has been much written about over the past few years on the continent. In the case of Burundi, it’s the interpretation of legal texts which has caused controversy. The constitution states that the President of the Republic is elected by direct universal suffrage for a term of five years, renewable once. However, Nkurunziza was only elected once by universal suffrage in 2010, his election in 2005 having been voted by Parliament. According to the wording of the constitution, Nkurunziza has the right to stand, but this constitution is the result of the Arusha Peace Agreement which put an end to a long civil war (1993-2006). This accord clearly states that no one can serve more than two terms as President of the Republic.

Thus those for and against a third term have been clashing over the legality of a new term for Nkurunziza, contributing to rising tensions in a political scene already set on edge by the CNDD-FDD’s authoritarian and interventionist tendencies towards its opposition and civil society.

Nkurunziza, candidate despite the pressure

As expected, the confirmation of this candidacy has resulted in protests in Bujumbura where repressive measures have unfortunately caused several fatalities. This is already too many lives lost. The eminent human rights defender, Pierre-Claver Mbonimpa was arrested on Monday 27th April and the country’s main independent radio station shut down. The situation is explosive: several thousand Burundians have already sought refuge in neighbouring countries while the Imbonerakure, the youth wing of the CNDD-FDD (considered by the UN to be a militia group) is accused of intimidating its opponents, bringing back sad memories of the Rwandan Interahamwe.

There are grounds to fear the consequences of this candidacy on the stability of the country and the whole region. However, several national and international players have warned against the destruction of the peace secured at Arusha. The political opposition, civil society organisations, the Catholic church, ex-president Buyoya, President Kikwete of Tanzania, The UN Secretary General Ban-Ki moon, his predecessor Kofi Annan, the African Union, the European Union, the United States and many others have all spoken out, to varying degrees, against a third term for Nkurunziza.

We can imagine that all of these public declarations by foreign partners, most notably that of the United States, have been accompanied by pressure applied behind the scenes. This pressure has therefore failed.

A candidacy which tests Obama’s will

Let us remember Barak Obama’s first speech on African soil in July 2009, shortly after his election: “Africa doesn’t need strong men, it needs strong institutions.” This declaration of intent has since been adopted by all the officials of his administration, for example the Secretary of State John Kerry, the Assistant Secretary for the Bureau of African Affairs Linda Thomas-Greenfield or the former Special Envoy for the Great Lakes region, Russell Feingold. The latter, as he was leaving his post in February 2015, reiterated the United States’ opposition to Nkurunziza, Sassou-Nguesso, Kabila, and Kagame staying in power beyond their current terms. The aim of this opposition was the consolidation of democracy in these countries affected by violent conflicts at the end of the 1990s. These four departures, some more than others, have almost become symbolic of the new US policy on Africa: Two terms and then leave.

Despite all these pressures, Nkurunziza is candidate for a third term which he will probably win considering his party’s hold over the state institutions and electoral commission. He is the first link in the chain and if it ends up working for him then why couldn’t Sassou, Kabila or Kagame do the same? Each country has its own context but the US made the link between them through one principle – democratic transfer of power.

It’s clear that the other presidents will be attentively following current events in Burundi, whilst at the same time scrutinising American reactions.

Shortly after the confirmation of Nkurunziza’s candidacy, several partners of Burundi expressed disappointment. The State Department said it profoundly regretted the loss of a historic opportunity to strengthen democracy. The US now hopes that what follows will be peaceful and has threatened sanctions on all those who may cause violence. As previously stated; the risk of conflict has unfortunately increased.

However, looking at the declarations which have already been made, certain questions spring to mind: What would the Obama administration do if the Nkurunziza regime succeeded in limiting the violence in the coming months? Would it secretly stir-up violence in order to be able to impose sanctions or would it tolerate Nkurunziza’s continued presidency in spite of its “recommendations”? How far is the US prepared to go to ensure that the principle of peaceful transfer of power is respected in Burundi and other countries in the region? The next few months will tell us much about the US’s determination because this is not only a matter of ensuring that closely-held principles are respected but also about honouring one’s word and not losing face.

La candidature de Nkurunziza, premier défi à la « nouvelle Afrique» d’Obama

Bo et PN

Comme on s’y attendait depuis de long mois, c’est le samedi 25 avril 2015 que le Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces de Défense de la Démocratie (CNDD-FDD) a désigné  Pierre Nkurunziza, Président de la République sortant, comme son candidat à la présidentielle de juin 2015. Le candidat Nkurunziza est donc officiellement en campagne pour un troisième mandat.

Ce fameux « troisième mandat » qui fait couler beaucoup d’encre depuis quelques années sur le continent. Dans le cas du Burundi, c’est l’interprétation des textes légaux qui opposent les forces en présence. La constitution dispose que le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Or Nkurunziza qui a été élu par le Parlement en 2005, n’a été élu au suffrage universel direct qu’en 2010. Selon la lettre de la constitution, il est en droit se représenter mais cette constitution est tirée des Accords de paix d’Arusha qui ont mis fin à une longue guerre civile (1993-2006). Ces accords disposent quant à eux que nul ne peut être Président de la République plus de deux mandats.

Ainsi, pro et anti-troisième mandat s’opposent depuis deux ans sur la légalité ou non d’un nouveau mandat de Nkurunziza, contribuant à tendre davantage un espace politique déjà crispé et verrouillé par un CNDD-FDD aux tendances autoritaires et interventionnistes vis-à-vis de l’opposition et de la société civile.

Nkurunziza candidat malgré les pressions

Comme on s’y attendait, l’officialisation de cette candidature a donné lieu à des manifestations à Bujumbura dont la répression a déjà malheureusement causé des pertes en vies humaines. Des morts de trop. L’éminent défenseur des droits de l’homme Pierre-Claver Mbonimpa a été arrêté lundi 27 avril alors que la principale radio indépendante du pays a été fermée. La situation est explosive : plusieurs milliers de Burundais se sont réfugiés dans les pays voisins alors que les Imbonerakure, jeunes du CNDD-FDD qualifiés de “milice” par l’ONU, sont accusés d’intimidation à l’encontre des opposants rappelant les Interahamwe rwandais de triste mémoire.

Il y a lieu de craindre les conséquences de cette candidature sur la stabilité du pays et celle de la région. Pourtant plusieurs acteurs nationaux et internationaux ont mis en garde contre la destruction de la paix obtenue à Arusha. L’opposition politique, les organisations de la société civile, l’Eglise catholique, l’ancien président Buyoya, le président Tanzanien Kikwete, le Secrétaire général de l’ONU Ban-Ki moon, son prédécesseur Kofi Annan, l’Union Africaine, l’Union Européenne, les Etats-Unis et d’autres se sont tous prononcés, à des degrés divers, contre un troisième mandat de Nkurunziza.

On imagine que toutes ces prises de position publiques des partenaires étrangers, notamment celles des Etats-Unis en pointe sur le dossier, ont été accompagnées de pressions plus ou moins appuyées en coulisse. Elles ont donc échoué.

Une candidature qui teste la volonté d’Obama

On se souvient du premier discours en terre africaine de Barack Obama en juillet 2009 peu après son élection : «L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes». Cette volonté affichée est depuis reprises par tous les officiels de son administration comme le Secrétaire d’Etat John Kerry, la Secrétaire d’État adjoint chargée des Affaires africaines Linda Thomas-Greenfield ou encore l’ancien Envoyé spécial pour les Grands lacs Russell Feingold.

Ce dernier, au moment de quitter ses fonctions en février 2015, a d’ailleurs réaffirmé l’opposition des Etats-Unis à un maintien au pouvoir de Nkurunziza, Sassou-Nguesso, Kabila et Kagame au-delà de leurs actuels mandats. Cette opposition de principe aurait pour but la consolidation de la démocratie dans ces pays touchés par de violents conflits à la fin des années 90. Ces quatre départs, certains plus que d’autres, sont presque devenus le symbole de la nouvelle politique africaine des Etats-Unis : deux mandats puis on s’en va.

Malgré toutes ces pressions,  Nkurunziza est candidat à un troisième mandat qu’il va probablement obtenir vue l’emprise de son parti sur les institutions étatiques et la commission électorale. Il était le premier maillon de la chaine et si ça finit par marcher pour lui, pourquoi Sassou, Kabila et Kagame ne feraient pas comme lui ? Chaque pays a son propre contexte mais les Etats-Unis ont lié les uns aux autres sur base d’un même principe, l’alternance au pouvoir.

Il est évident que les autres présidents suivent attentivement ce qui se passe actuellement au Burundi, en même temps qu’ils scrutent les réactions américaines.

Peu après l’officialisation de la candidature de Nkurunziza, plusieurs partenaires du Burundi ont exprimé leur déception. Le Département d’Etat a dit profondément regretter la perte d’une réelle occasion pour la consolidation de la démocratie. Les Etats-Unis disent maintenant espérer que la suite du processus sera pacifique et menacent de sanctions les responsables d’éventuelles violences. Je l’ai dit plus haut, le risque de violence est malheureusement élevé.

Mais au regard des déclarations précédemment faites, certaines questions me viennent à l’esprit. Que ferait l’administration Obama si le régime Nkurunziza réussissait à limiter les violences dans les prochains mois? Elle susciterait des violences en sous-main afin de pouvoir sanctionner Nkurunziza ou elle s’accommoderait de sa présidence conservée en dépit de leurs «recommandations» ? Jusqu’où les Etats-Unis sont-ils prêts à aller pour faire respecter le principe d’alternance au Burundi et dans les autres pays de la région ? Les prochains mois seront riches d’enseignements parce qu’en plus de faire respecter un principe auquel ils tiennent, il s’agit aussi d’être crédible par rapport à ses propos et de ne pas perdre la face.

Is #nigeriadecides the first step towards #africadecides?

Nigeria has held its rank and just confirmed its status as an African giant. According to the majority of observers, the elections of 28th and 29th March were carried out in a free, democratic and transparent manner.

General Muhammadu Buhari and his opposition coalition, the All Progressive Congress (APC), have managed to become the first opposition group to win an election, beating an incumbent party which has been in power for more than 15 years, despite most observers predicting a narrow victory for Goodluck Jonathan.

It is only fitting at this point, to give credit to the Nigerian people who turned out in force to vote, braving in certain areas, the menace of Boko Haram; to congratulate General Buhari who achieved the first democratic transfer of power in Nigeria; and finally to praise the dignity of Goodluck Jonathan who sportingly recognised his defeat and congratulated his opponent. This statesman-like attitude will, I hope, distance the spectre of the post-election violence which everyone feared.

How was this change possible?

A change of power, still rare in Africa, is nonetheless, a healthy part of democracy because it prevents on the one hand the overstretching of power and its consequences; and on the other hand, because it is a pledge of stability and good governance by allowing a new group to manage public affairs, bringing in new blood, new ideas and, hopefully, new practices.

Three principle factors have allowed the APC to succeed in their bid for change: a popular desire for change, a united opposition and an independent electoral commission.

  1. The change

The main focus of Buhari’s victorious campaign was an end to the corruption which has paralysed the country as well as the fight against insecurity. The Nigerian people have clearly voted for a change to the current situation. It’s even more striking as Buhari himself was decisively beaten at the polls by Jonathan in 2011. This transfer of power is therefore, the materialisation of the widespread mistrust of a party worn down by a power which has become characterised by corruption.

  1. A united opposition

Unity of the opposition is often essential against a ruling party, which has the advantage of its incumbency and is able to root itself firmly throughout the country and gain faithful supporters. The APC was formed in February 2013 through the unification of the three main opposition parties, creating a political organisation sufficiently large in terms of presence and means to become a serious rival to the Peoples Democratic Party (PDP), who had been in power for the last 15 years. More than just a simple grouping of opponents, the APC succeeded in becoming a credible alternative to the outgoing regime. The approach taken centred on the common desire for change, the preparation of a credible programme and the democratic appointment of the best possible candidate to make this change happen.

  1. An independent electoral commission

The transparency of the process, with voting hard to rig due to biometric readers, was a determining factor. Some people warned of potential fraud during the counting of votes, but the vigilance of the Nigerian people who published results in real-time on Facebook and Twitter, prevented the publication of results which didn’t reflect the truth of the ballot box. The people have thus taken ownership of this election from start to finish with the now famous #nigeriadecides.

Power transfer in Nigeria, is this the first phase of a wider change in Africa?

Every country is unique and has its own particular context but in order for this power transfer to be the start of a wider movement, I think that the three points above are essential.

It seems that throughout Africa there is a profound desire for change by people living on a continent where over half the countries have been led by the same regimes or heads of state for several decades.

However, the opposition must be in a position to offer a credible alternative to these parties so solidly rooted in power. This will happen, most notably, through the creation of well-established coalitions with a real following throughout the country, capable of capitalising on the popular desire for change, whilst bringing the opportunity of new political solutions.

Finally, the independence of electoral institutions from all political influence is of the utmost importance. The success of free and transparent elections is determined by several political and technical stages, in particular, the respect and guarantee of a certain number of rights and freedoms, the reliability of polling cards, the guarantee of a secret vote as well as the security of the transfer and treatment of electoral results.

Le #nigeriadecides est-il la 1ère phase d’un #africadecides ?

Le Nigéria a tenu son rang et vient de confirmer son statut de géant africain. Pour la majorité des observateurs, les élections du 28 et 29 mars se sont déroulées de manière libre démocratique et transparente.

Le Général Muhammadu Buhari et sa coalition d’opposition, le All Progressive Congress (APC), réalisent ainsi l’exploit de l’alternance en battant dans les urnes un parti au pouvoir depuis plus de 15 ans, alors que la majorité des observateurs pronostiquaient une courte victoire de Goodluck Jonathan.

Il convient ici de saluer le mérite des Nigérians qui se sont rendus aux urnes, bravant dans certains endroits les menaces de Boko Haram ; de féliciter le Général Buhari qui a réussi la première alternance démocratique du pays ; et enfin de louer la grandeur de Goodluck Jonathan qui a sportivement reconnu sa défaite et félicité son adversaire. Cette attitude d’Homme d’Etat va, je l’espère, éloigner le spectre des violences post-électorales que tout le monde redoutait.

Comment cette alternance a-t-elle été possible ?  

L’alternance, encore rare en Afrique, est pourtant saine en démocratie parce qu’elle empêche d’une part l’usure du pouvoir et ses conséquences ; et d’autre part, parce qu’elle est un gage de stabilité et de bonne gouvernance en permettant à un nouveau groupe de gérer la chose publique en apportant du sang neuf, des idées nouvelles et, on l’espère, de nouvelles pratiques.

Trois facteurs principaux ont permis à l’APC de réussir son pari de l’alternance : une volonté populaire de changement, l’union de l’opposition et une commission électorale indépendante.

  1. Le changement

La campagne victorieuse de Buhari s’est principalement articulée sur la fin de la corruption qui gangrène le pays et la lutte contre l’insécurité. Le peuple nigérian s’est clairement prononcé pour un changement de la situation actuelle. C’est d’autant plus frappant que le même Buhari a été largement battu par Jonathan en 2011. Cette alternance est donc la matérialisation d’une défiance populaire vis-à-vis d’un parti usé par le pouvoir dont la corruption était devenue l’une des caractéristiques.

  1. Une opposition unie

L’unité de l’opposition est souvent indispensable face à un parti au pouvoir profitant des avantages qui y sont liés pour s’enraciner durablement à travers le pays et s’offrir une clientèle fidèle. L’APC a été formé en février 2013 par le regroupement des trois principaux partis d’opposition, représentant par la même occasion une organisation politique suffisamment large en termes d’implantation et de moyen pour rivaliser avec le Peoples Democratic Party (PDP) au pouvoir depuis 15 ans. Plus qu’un simple regroupement d’opposants, l’APC a réussi à représenter une alternative crédible au régime sortant. La démarche suivie a donc été le désir commun d’alternance, l’élaboration d’un programme crédible puis la désignation démocratique du candidat le mieux à même de porter cette alternance.

  1. Une commission électorale indépendante

La transparence du processus avec des opérations de vote difficilement manipulables grâce à la biométrie a été un élément déterminant. Certains ont mis en garde contre les fraudes lors de la compilation des résultats mais la vigilance des Nigérians, qui publiaient les résultats en temps réel sur Facebook et Twitter, a permis d’éviter la publication de chiffres non conformes à la vérité des urnes. Le peuple s’est ainsi approprié cette élection de bout en bout avec le désormais célèbre #nigeriadecides.

L’alternance au Nigéria est-elle la première phase d’un changement plus large en Afrique ?

Chaque pays est unique et a un contexte particulier mais pour que cette alternance soit le début d’un mouvement plus large, je pense que les  trois points ci-haut sont indispensables.

Il semble qu’il existe en Afrique un profond désir de changement chez les peuples dont plus de la moitié des pays sont dirigés par les mêmes régimes voire chefs d’Etat depuis plusieurs décennies.

Cependant, les oppositions devraient être en mesure de représenter une alternative crédible à des partis au pouvoir solidement enracinés. Cela passe notamment par la création de coalitions suffisamment implantées avec un réel écho à travers les pays, capables de capitaliser sur le désir populaire de changement, tout en apportant une offre et des solutions politiques neuves.

Enfin, l’indépendance des institutions électorales vis-à-vis de toute influence politique est primordiale. La réussite d’élections libres et transparentes est conditionnée par plusieurs étapes politiques et techniques, notamment la garantie et le respect d’un certain nombre de droits et libertés, la fiabilité du fichier électoral, la garantie du vote secret ou encore la sécurisation de la transmission et du traitement des résultats électoraux.

Kabila in Katanga- Reading between the lines

For around two weeks now, Congolese political news has been dominated by the return to Lubumbashi of Governor Moïse Katumbi on 23 December 2014, alongside various interpretations of his metaphor-rich speech in front of an immense crowd at the Place Moïse Tshombe. It is now widely understood that Katumbi opposes a third term in office for Kabila and also has the support of the president of the Provincial Assembly Kyungu wa Kumwanza, who himself campaigns against the territorial division outlined in the 2006 constitution.

President Kabila, compelled to react to the turmoil faced by his majority at the centre of his electoral heartland, addressed a meeting of the political elite of Katanga on 5 January 2015, and called on leaders to rally together and preserve the unity of Katanga. However, neither the governor nor the president of the Provincial Assembly was present.

The main points of his speech

The most noteworthy points in the President’s speech were, firstly his silence on a possible candidature for 2016, secondly his wish to go through with the territorial division and thirdly his desire to keep working until the final day of his term. He also made a point of reminding leaders that he is just as much a Katangan as they are, and that the province, although rich, is not superior to others. Furthermore, he refused to respond personally to either individual comments or political polemics. However, a more detailed analysis of his proposal reveals that he did respond indirectly to both the governor and president of the Provincial Assembly.

What he said and what went unnoticed

From the 30th minute of the speech (link below), President Kabila reminds the provincial authorities of Katanga that they do not have a different statute to other provinces and that they have a duty to represent and respond to the central government as well as territorial bodies. Then in the 32nd minute he recommends that those who disagree with the central government resign. He sends a warning to those who might be tempted to use their position to start a trial of strength with the central government, reminding them that he gave them their authority and so they are accountable to him not the other way around.

President Kabila then goes further, mentioning questions of security at the heart of the province and actually threatening those who aim to divide the populations of Katanga (36:45’). He makes a commitment, from the 37th minute, to deal with those who want to destabilise the province, and to destroy all militia operating in Katanga.

The final veiled reference against Governor Katumbi is an economic one (53:40). The president talks about the numerous lorries transporting minerals that he sees when travelling to Likasi, Kolwezi or Kasumbalesa. It’s difficult not to make the link with the Governor’s transport company which enjoys, according to some, a kind of monopoly of minerals transportation in Katanga.

In a speech which was aimed at keeping the peace, Joseph Kabila nonetheless hints at points which could be considered useful angles of attack if Katumbi were to decide to officially distance himself from the majority. The State authority, the superiority of central government, as well as economic sanctions could be used against Moïse Katumbi if required.

An open confrontation between Katangans?

Opinion is currently divided. It is impossible to confirm whether or not President Kabila and Governor Katumbi are still on speaking terms. In public, however, the latter is keeping a certain distance from the former. For instance: Katumbi’s noticeable absence not only from the meeting on 5 January 2015, but also from his own farm when Kabila stopped there on New Year’s Day. It’s hard to believe that he had not been informed of this visit by the protocol.

What will be the political position of the Governor of Katanga in the medium term? Will he continue to keep one foot in the majority and the other outside or will he cross the point of no return? If Moïse Katumbi decides to officially break away from the majority in the coming weeks, the situation in Katanga will be more than tense. It is quite probable that the authorities, who would not accept having an opponent at the head of this strategic province, will try to remove him from his position as governor. We could refer to the examples of Vital Kamerhe in the National Assembly in 2009 or the election in Kinshasa in 2007 of a governor from the majority by a provincial assembly dominated by the opposition.

In the case of a split, it would also be difficult for a governor, turned opponent, but still legally answerable to the interior minister, to freely and fully perform his functions for two years.

Will Moïse Katumbi risk losing his position as governor and all the advantages associated with it? The difficulty for the majority, however, would be to get rid of the popular Moïse Katumbi who demonstrated his strength two weeks ago and who appears to have a large number of supporters in the Katangan political class. Who would follow him if he broke away from the majority and who would stay loyal to President Kabila? One thing is certain, Katanga would be divided.

Will we witness a divorce between Moïse Katumbi and Joseph Kabila over the coming weeks? I don’t think so. Neither one has any interest in such a confrontation. President Kabila would not risk turning his back on a part of Katanga when he has other burning issues to deal with. Furthermore, his attitude since his arrival in Katanga has been rather conciliatory.

As far as Governor Katumbi is concerned, he also has no interest in creating permanent conflict with a president of the Republic who still enjoys all the powers of his position and who, until it has been proved otherwise, controls the army. The position taken by the Governor of Katanga over the last couple of weeks has allowed him to put some pressure on a president who may not yet have made his decision for 2016, whilst at the same time positioning himself within the heart of the majority as a potential successor.

Joseph Kabila’s speech to leaders in Katanga https://www.youtube.com/watch?v=bMTsQwB8rIU 

Kabila au Katanga – Lire entre les lignes

Depuis environ deux semaines, l’actualité politique congolaise est marquée par le retour du gouverneur Moïse Katumbi à Lubumbashi le 23 décembre 2014 et les suites de son allocution imagée devant une immense foule rassemblée sur la place Moïse Tshombe. L’opinion en a retenu une opposition à un éventuel troisième mandat du président Kabila et le soutien apporté à Moïse Katumbi par le président de l’Assemblée provinciale Kyungu wa Kumwanza, qui milite lui-même contre le découpage territorial prévu par la constitution du 18 février 2006.

Le Président Kabila, obligé de réagir aux turbulences auxquelles fait face sa majorité au sein même de son fief, s’est adressé aux notables du Katanga le 5 janvier 2015 en l’absence du gouverneur et du président de l’Assemblée provinciale, appelant les dirigeants à se ressaisir et à préserver l’unité du Katanga.

Ce que l’on a retenu de son allocution

Les points de l’allocution présidentielle ayant retenu l’attention sont d’abord son silence sur une éventuelle candidature en 2016, puis sa volonté de mettre en œuvre le découpage territorial et enfin sa détermination à exercer sa mission jusqu’au dernier jour de son mandat. Il a d’ailleurs mis un point d’honneur à rappeler qu’il est aussi katangais que les autres leaders, et que cette province bien que riche n’est pas supérieure aux autres. Il a aussi dit qu’il ne répondrait à personne ni à aucune polémique politicienne. Une analyse plus détaillée de son propos révèle qu’il a tout de même répondu indirectement au gouverneur et au président de l’Assemblée provinciale.

Ce qu’il a dit et qui est passé inaperçu

A partir de la 30ème minute de la vidéo reprenant l’allocution (lien ci-dessous), le président Kabila rappelle aux autorités provinciales katangaises qu’elles n’ont pas un statut différent de celles des autres provinces et qu’elles ont obligation de représenter et répondre au gouvernement central en tant qu’agents de la territoriale.  Il se montre ensuite plus précis à la 32ème minute en recommandant à ceux qui ne sont pas d’accords avec le gouvernement central d’assumer en démissionnant. Il met en garde ceux qui seraient tentés de se servir de leurs positions pour s’engager dans un bras de fer avec le gouvernement central en leur rappelant que c’est lui qui leur a confié ces responsabilités (33ème) et qu’ils ont donc des comptes à lui rendre, et non pas l’inverse.

Le président Kabila va ensuite plus loin en évoquant les questions sécuritaires au sein de la province en menaçant carrément ceux qui tiennent un discours qui visent à diviser les populations du Katanga (36:45’). Il s’engage ainsi à partir de la 37ème minute à s’occuper de ceux qui voudraient déstabiliser la province et promet d’anéantir toute milice opérant au Katanga.

La dernière allusion voilée à l’encontre du gouverneur Katumbi s’est faite sur le terrain économique (53 :40’) lorsque le président a évoqué les nombreux camions transportant les minerais qu’il voit lors de ses passages à Likasi, Kolwezi ou Kasumbalesa. Difficile de ne pas faire de lien avec la société de transport du gouverneur qui bénéficierait, selon certains, d’une forme monopole dans le transport des minerais au Katanga.

Dans une allocution qui visait l’apaisement, Joseph Kabila a tout de même esquissé en creux les points qui pourraient constituer les angles d’attaque dont la majorité va se servir contre Katumbi s’il décidait officiellement de prendre ses distances. L’autorité de l’Etat, la primauté du pouvoir central ainsi que des mesures de retentions économiques pourraient être utilisés contre un Moïse Katumbi devenu opposant.

Vers un affrontement ouvert entre Katangais ?

Les sources divergeant sur ce point, il est impossible d’affirmer que le président Kabila et le gouverneur Katumbi n’entretiennent plus de cordiales relations en privé. En public cependant, le second affiche une certaine prise de distance d’avec le premier. En témoigne son absence remarquée lors de la réunion du 5 janvier 2015 avec les notables, ou celle du jour de l’an lors du passage surprise du président Kabila à sa ferme dont on imagine mal qu’il n’ait pas été prévenu par le protocole d’Etat.

Quel sera le positionnement politique à moyen-terme du gouverneur du Katanga ? Va-t-il continuer d’avoir un pied au sein de la majorité et l’autre en dehors ou va-t-il franchir le rubicond? Si Moïse Katumbi décide de rompre officiellement d’avec la majorité dans les prochaines semaines, la situation au Katanga sera plus que tendue. Il est très probable que le pouvoir, qui n’acceptera pas d’avoir un opposant à la tête de cette province stratégique, tentera de l’expulser du gouvernorat. Nous avons les exemples de Vital Kamerhe à l’Assemblée nationale en 2009 ou l’élection en 2007 à Kinshasa d’un gouverneur issu de la majorité par une Assemblée provinciale dominée par l’opposition.

En cas de rupture, il serait d’ailleurs difficile pour un gouverneur devenu opposant, mais légalement sous la tutelle du ministre de l’intérieur, d’exercer pleinement et librement ses fonctions (autorisations de sortie, etc.) pendant deux ans.

Moïse Katumbi va-t-il s’opposer au risque de perdre le gouvernorat et les avantages qui y sont liés? La difficulté pour la majorité serait cependant de défenestrer le populaire Moïse Katumbi qui a fait une démonstration de force il y a deux semaines et qui semble jouir de nombreux soutiens dans la classe politique katangaise. Qui sont ceux qui le suivraient dans une démarche de rupture et ceux qui resteraient loyaux au Président Kabila ? A coup sûr, le Katanga en sortirait divisé.

Assisterons-nous dans les prochaines semaines à un divorce entre Moïse Katumbi et Joseph Kabila ? Je pense que non, ni l’un ni l’autre n’ont intérêt à une confrontation. Le président Kabila ne prendrait pas le risque de se mettre une partie du Katanga à dos alors qu’il doit déjà faire face à plusieurs sujets brûlants. Son attitude depuis son arrivée au Katanga est d’ailleurs plutôt conciliante.

Le gouverneur Katumbi quant à lui n’a pas non plus intérêt à s’installer dans une confrontation permanente avec un président de la République qui jouit encore de tous les attributs de la fonction et qui, jusqu’à preuve du contraire, contrôle encore l’armée utile. Le positionnement affiché ces dernières semaines par le gouverneur du Katanga lui a permis d’un peu mettre la pression sur un président qui n’aurait pas encore pris sa décision pour 2016, en même temps qu’il s’est positionné au sein de la majorité comme l’éventuel dauphin.

Allocution de Joseph Kabila devant les notables du Katanga https://www.youtube.com/watch?v=bMTsQwB8rIU